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Une promesse d’apaisement, des attentes déçues
En 2019, la ville d’Antony lançait un projet ambitieux : réaménager la rue Auguste Mounié pour en faire un espace partagé, sécurisé et agréable pour tous. Située au cœur du quartier Centre Ville, cette artère commerçante très fréquentée devait incarner une nouvelle vision de l’espace public, plus apaisée et respectueuse des mobilités douces. Pourtant, cinq ans plus tard, le résultat final suscite de nombreuses critiques. En dépit de trottoirs élargis et d’un classement en zone de rencontre, l’absence de double sens cyclable, la persistance du trafic motorisé et les incivilités routières interrogent sur la cohérence des choix opérés. Retour sur un aménagement qui peine à convaincre.
Un projet attendu, une réalisation controversée
Lancée en 2019 par la municipalité, la rénovation de la rue Auguste Mounié avait pour ambition de renforcer l’attractivité du centre-ville d’Antony. Cette artère commerçante de 300 mètres, située au cœur du quartier Centre Ville, devait devenir un espace plus agréable, apaisé et accueillant pour tous les usagers. Une consultation publique, menée entre août et octobre 2019, avait clairement mis en lumière les attentes des habitants : 75 % réclamaient un espace piéton plus large, 62 % souhaitaient une meilleure intégration du vélo. Une voie cyclable avait même été instaurée en 2020, dans le contexte de la crise sanitaire.
Un aménagement final qui surprend
Les travaux, réalisés entre février et septembre 2024, ont profondément modifié la physionomie de la rue. Les trottoirs ont été élargis, des matériaux qualitatifs ont été utilisés, et l’espace central a été repensé. La rue est officiellement devenue une « zone de rencontre » en septembre, avec une limitation de vitesse à 20 km/h et une priorité donnée aux piétons. Pourtant, contrairement aux règles définies pour ce type de zone, aucun double sens cyclable n’a été mis en place. La chaussée reste à sens unique pour les vélos, et aucune piste spécifique n’est prévue.
Des cyclistes mis à l’écart
Cette décision constitue une rupture avec les aménagements précédents. Avant les travaux, une bande cyclable provisoire autorisait la circulation dans les deux sens, appuyée par une signalisation claire. Désormais, les cyclistes doivent partager la chaussée avec les voitures dans les embouteillages, et il leur est impossible de descendre la rue dans le sens interdit. Le contournement proposé par la mairie, via l’avenue Gabriel Péri ou la villa Domas, allonge considérablement les trajets et n’offre pas de garanties de sécurité suffisantes.
Un espace encore dominé par l’automobile
De nombreux usagers estiment que l’espace public reste pensé avant tout pour les automobilistes. La voie centrale reste souvent saturée, notamment à proximité du feu. L’aménagement semble même favoriser une circulation rapide, avec un tracé linéaire sans ralentisseurs ni chicanes. Un radar pédagogique a été installé, mais aucun dispositif dissuasif efficace n’est en place. Le stationnement illégal, notamment sur les trottoirs ou dans les zones de livraison, reste fréquent. La vidéo-verbalisation, présentée comme une solution, peine à convaincre en l’absence de contrôles visibles.
Un manque de vision globale
Le choix de ne pas intégrer le double sens cyclable n’est pas justifié techniquement par la municipalité. Il semble motivé uniquement par une volonté de préserver le trafic motorisé, notamment vers le parking Monoprix. Pourtant, la rue Mounié figure dans les plans cyclables prioritaires de la ville et du territoire Vallée Sud – Grand Paris. Des rues similaires à Antony autorisent un double sens pour les vélos avec une largeur équivalente. L’absence de mesures de réduction du trafic interroge, d’autant plus dans un contexte d’urbanisation rapide avec les quartiers Jean-Zay et le futur Antonypole.
Une occasion manquée pour une ville plus apaisée
Le projet ne s’accompagne d’aucune stratégie claire de pacification. Aucune réduction du transit automobile n’a été entreprise, alors que des solutions simples existent : restriction de l’accès à certains usagers, tournants obligatoires, etc. La végétalisation reste marginale, se limitant à quelques zones gazonnées en bordure de stationnements. Quant à l’accessibilité, certains aménagements, comme les nouveaux poteaux de caméras, sont perçus comme des obstacles.
Des critiques sur la méthode et le dialogue
La manière dont le projet a été mené suscite également des réserves. Aucune réunion publique n’a été organisée pour présenter l’aménagement définitif. Des décisions importantes, comme l’ouverture d’un nouvel accès au parking souterrain, ont été prises sans débat. Les visuels initiaux laissaient espérer une rue réservée aux piétons et aux cyclistes, créant une déception forte à la livraison des travaux. La transparence des études de circulation commandées par la ville est aussi mise en cause.
Une politique en décalage avec les discours
Alors que la municipalité affirme vouloir promouvoir une ville verte et multimodale, ce réaménagement donne l’image inverse. L’absence d’intégration cohérente du vélo, la priorité maintenue à la voiture, et le manque de végétalisation vont à l’encontre des engagements en faveur du climat. Plusieurs associations et habitants dénoncent un projet « minéral », sans ambition écologique, et un recul dans la politique de mobilité douce.
Des ajustements possibles pour un apaisement effectif
Des progrès restent à faire pour rendre cette transformation pleinement cohérente avec les attentes locales et les orientations écologiques affichées. La réduction du trafic de transit, l’implantation de dispositifs de ralentissement, un contrôle accru des incivilités routières ou encore la mise en place d’un double sens cyclable figurent parmi les améliorations envisageables. En répondant à ces enjeux, la commune pourrait renforcer la lisibilité de ses choix urbains et affirmer une volonté réelle de partage de l’espace public.